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Trottinettes : et maintenant ?

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Les trottinettes en libre-service dans Paris

Dimanche 2 avril, les Parisiens étaient invités à se rendre aux urnes pour décider de l’avenir des trottinettes électriques en libre-service.

Le résultat est net et sans appel : les quelques Parisiens ayant pris part au vote (7,5% des inscrits sur les listes électorales) se sont exprimés à 89% contre les trottinettes électriques en libre-service. Elles devraient donc quitter les rues de la capitale d’ici le 1er septembre 2023.

Au-delà de ce vote local, retour dans cet article sur ce qui se joue dans ce débat passionnant et passionnel…  

On refait le match !

Avant de nous projeter sur la suite, tentons d’y voir plus clair.  Laissons ici les passions de côté et analysons le phénomène avec la froideur des chiffres.

Usage

A Paris, les trottinettes avaient incontestablement trouvé leurs utilisateurs.

Avec 15 000 trottinettes électriques en libre-service dans les rues et plus de 400 000 utilisateurs par mois, ce mode de déplacement était entré dans les habitudes des Parisiens et des touristes.

Ces trottinettes étaient devenues un rouage important de l’intermodalité, c’est-à-dire le recours à différents modes de transport pour un même trajet. On pouvait ainsi prendre son RER pour venir dans Paris, puis louer une trottinette en libre-service pour effectuer le dernier kilomètre.

D’après l’opérateur Lime, « 62 % de leurs clients indiquent qu'ils utilisent parfois les trottinettes en complément d'un autre moyen de transport. 23 % d'entre eux le font systématiquement ». Les trottinettes en libre-service apportaient de la flexibilité en faisant le lien entre différents modes de déplacement.

Ces dernières sont d’ailleurs très utilisées pour les déplacements domicile-travail dans le cadre du Forfait Mobilités Durables.

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Impact écologique

Les trottinettes ont souvent été pointé du doigt pour leur caractère peu durable. La meilleure manière de trancher la question est de raisonner en Analyse de Cycle de Vie (ACV). Cette méthode permet d’intégrer le poids écologique de la fabrication (et donc la durée de vie), l’entretien, l’infrastructure et l’énergie utilisée par une trottinette en libre-service de sa création à sa fin de vie.

L’étude de Fraunhofer ISI1 publiée en 2022 et reprise par Carbone 42 donne 27g d’émissions de CO2e par passager et par kilomètre.

C’est bien mieux que la voiture. C’est moins bien que la marche, le vélo ou les transports en commun.

Report modal

A partir de ces données, la question centrale est de savoir quels modes des transports ont été remplacés par la trottinette électrique en libre-service.

A Paris, la trottinette a remplacé des trajets qui étaient auparavant réalisés :

  • en marchant dans 40% des cas
  • en métro dans 30% des cas
  • en taxi/TVC dans 9% des cas
  • en vélo dans 7% des cas
  • en bus dans 5% des cas
  • et enfin… en voiture dans 5% des cas.

Bref, les chiffres ne sont pas flatteurs pour les trottinettes électriques en libre-service car dans 77% des cas (marche, métro, vélo), elles ont remplacé un moyen de transport moins émetteur de gaz à effet de serre.

Mais il y a un « mais » : au global, les seuls 14% de trajets évités en voiture, taxis et VTC suffisent à rendre le bilan carbone de la trottinette électrique en libre-service positif.

On peut donc conclure de cette étude d’impact que les trottinettes électriques en libre-service à Paris étaient positives pour le climat. Leur présence dans les rues de la capitale a évité des émissions de gaz à effet de serre.

Accidentologie

La trottinette est réputée dangereuse.

Plusieurs études ont tenté de confirmer ou d’infirmer cet a priori. L’une d’elles conclue à une dangerosité équivalente au vélo. Une autre étude estime la trottinette électrique 5 fois plus dangereuse que le vélo… Les opérateurs communiquent sur la première, la mairie de Paris sur la seconde.

Pour y voir plus clair, regardons les chiffres communiqués par la Préfecture de Police : les trottinettes électriques ont généré 516 accidents, dont 426 blessés et 3 décès à Paris, en 20223. Un chiffre en augmentation de 28% par rapport à 2021.

Est-ce que c’est beaucoup ? C’est évidemment toujours trop lorsqu’il s’agit d’accidents corporels mais c’est « relativement faible » au regard des 400 000 utilisateurs revendiqués chaque mois par les plateformes.

Vivre ensemble

Pas de chiffre pour ce dernier point mais un ressenti très subjectif des Parisiens. Evoquons ici l’épineux sujet du partage harmonieux de l’espace public

« On dit » qu’elles sont souvent mal garées, qu’elles sont parfois renversées par terre. On les voit circuler sur les trottoirs... Les trottinettes sont dans les viseurs des piétons.

Ces comportements semblent s’être améliorés au fil des mesures de régulation mises en place. Des espaces de stationnement ont été créés. La vitesse a été bridée dans les zones piétonnes. Ces efforts de la collectivité et des opérateurs sont significatifs mais ils n’ont manifestement pas suffi à générer l’adhésion autour de ce mode de déplacement.

 

Quel avenir pour les trottinettes en libre-service ?

Il n’y a pas que Paris dans la vie !

Le vote du dimanche 2 avril ne concerne que la ville de Paris. Les trottinettes électriques en libre-service restent disponibles dans les autres métropoles françaises.

On peut tout de même se demander si l’exemple parisien ne risque pas de faire tache d’huile. Il faudra guetter d’éventuelles décisions similaires dans les mois qui suivent.

La régulation continue de progresser

Pour améliorer la cohabitation entre la trottinette électrique en libre-service et les autres usagers de l’espace public, le ministre des transports, Clément Beaune, vient d’annoncer de nouvelles mesures de régulation.

L’âge minimal passera de 12 ans à 14 ans. Les amendes pour sanctionner la circulation à deux ou sur les voies interdites passera de 35 euros à 135 euros. Le dispositif s’accompagne d’une campagne de prévention, de la signature d’une charte d’engagement par les opérateurs et de la création d’un observatoire des micromobilités.

Avons-nous le luxe de nous en priver ?

Les chiffres des émissions de gaz à effet de serre pour la France en 2022 viennent d’être annoncés par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA). Les émissions nationales ont diminué de 2,5% par rapport à 2021.

C’est très bien mais…

  • C’est moitié moins que ce qu’il faudrait faire pour tenir nos engagements pris lors de l’Accord de Paris afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
  • Les transports sont quasi le seul secteur (avec l’énergie) à voir ses émissions augmenter (+2%).

Dans ce contexte d’urgence climatique et au regard des chiffres des émissions 2022, est-il vraiment raisonnable de se passer d’un moyen de mobilité bas carbone plébiscité par ses utilisateurs ?

 

L'équipe Business Intelligence Consulting

 

1https://www.isi.fraunhofer.de/content/dam/isi/dokumente/ccn/2022/the_net_sustainability_impact_of_shared_micromobility_in_six_global_cities.pdf 2https://www.carbone4.com/analyse-trotinettes-electriques 3https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/04/01/trottinettes-electriques-trois-questions-autour-de-leur-dangerosite-et-de-leur-impact-environnemental_6167895_4355770.html