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ZFE : freinage d’urgence

Attention, sujet hautement sensible : la mise en place des Zones à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m).

Après un démarrage progressif, le dispositif devait se durcir et se généraliser à l’ensemble des métropoles de plus de 150 000 habitants d’ici 2025 avec un objectif plus que louable : faire baisser de 40% la pollution de l’air en ville.

C’était sans compter sur les multiples oppositions à ce mécanisme qui touche une liberté fondamentale, celle de se déplacer.

La consultation organisée par le Sénat avant l’été montrait clairement une opposition forte des Français.

Face à la fronde, l’exécutif vient d’annoncer au cœur de l’été un assouplissement du dispositif.

Renoncement pour certains ; légitime prise en compte de l’acceptabilité sociale pour d’autres : la décision divise.

 

Comment fonctionnent les ZFE ?

Le principe est simple : un périmètre est défini au sein d’une agglomération. A l’intérieur de ce périmètre, les véhicules les plus polluants subissent des restrictions de circulation.

Si le principe est simple, les modalités d’application le sont beaucoup moins : attachez votre ceinture !

Ces restrictions peuvent survenir de façon temporaire (en cas de pic de pollution par exemple) ou de façon définitive (en bannissant certains véhicules). Elles ciblent les véhicules aux vignettes Crit’Air les plus élevées.  

Aujourd’hui au nombre de 11, les ZFE-m sont amenées à se généraliser sur le territoire. Nous devrions en compter 43 en 2025, soit toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants.

Chaque agglomération peut décider :

  • de l’étendue du périmètre
  • du type de véhicule (léger ou non) auquel s’applique la règle
  • de la catégorie de vignette Crit’Air concernée
  • d’interdire ponctuellement ou définitivement l’accès au périmètre
  • du calendrier de déploiement
  • d’éventuelles dérogations
  • d’effectuer des contrôles ou non

Si cette souplesse permet d’adapter la mesure aux spécificités locales, force est de constater qu’elle est aussi source de confusion.

 

Pourquoi le dispositif a-t-il été assoupli ?

La consultation organisée par le Sénat avant l’été a permis de faire émerger les principaux freins à l’acceptabilité sociale des ZFE-m.

  • Coût d’acquisition d’un véhicule propre trop élevé (77% des répondants)
  • Insuffisance de l’accessibilité à la métropole depuis les zones périurbaines ou rurales avoisinantes (51%)
  • Insuffisance de l’offre de services et d’infrastructures de transport alternatifs à la voiture individuelle dans l’agglomération (42%)

Pour éviter tout risque de « giletjaunisation » de la situation, le gouvernement avait lancé en janvier un comité de concertation.

Ce comité, coordonné par des élus locaux (Jean-Luc Moudenc, président de la Métropole de Toulouse et Anne-Marie Jean, vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg) a rendu son rapport le 10 juillet. Il contient 25 propositions pour « allier transition écologique et justice sociale ».

Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires résume la ligne de crète sur laquelle se situe l’exécutif :

« L’objectif n’est pas d’ennuyer les Français ni de faire des mesures anti-pauvres mais d’en finir avec le nombre de morts de la pollution de l’air qui est encore de 47 000 par an ».

 

Comment le dispositif a-t-il été assoupli ?

Concrètement, les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants qui devaient déployer une ZFE d’ici 2025 vont se séparer en deux catégories :

  • Les agglomérations qui dépassent les seuils réglementaires : Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen. Ces agglomérations sont appelées des « territoires ZFE effectifs »
  • Les autres agglomérations qui deviennent de simples « zones de vigilance »

Les « territoires ZFE effectifs », doivent appliquer les interdictions pour les véhicules Crit’Air 4 en 2024 et Crit’Air 3 en 2025. Pour ces « territoires ZFE effectifs », rien ne change par rapport au dispositif initialement prévu.

En revanche, pour les zones de vigilance, l’assouplissement est bien présent. Les agglomérations en « zone de vigilance » se diviseront elles-mêmes en deux catégories :

  • Celles ayant déjà mis en place une ZFE se contenteront de maintenir les restrictions en vigueur sans l’obligation de les renforcer (Toulouse, Montpellier, Nice, Grenoble, Saint-Etienne et Reims).
  • Pour les autres, elles devront définir un « périmètre ZFE » mais il ne s’appliquera au 1er janvier 2025 qu’aux véhicules non classés, c’est-à-dire mis en service avant 1996.

En résumé, le rétropédalage est conséquent : les ZFE, telles qu’elles ont été créées, ne concerneront plus que 5 grandes agglomérations.

Last but not least, un revirement spectaculaire intervient plus spécifiquement pour les véhicules utilitaires légers et les poids lourds. Ces derniers ne devraient plus être concernés du tout par les ZFE d’après une récente communication gouvernementale.

Rappelons que la France a été condamnée par la Commission européenne et le Conseil d’Etat pour avoir dépassé les seuils requis en matière de qualité de l’air. Souhaitons que ces ZFE allégés suffisent à améliorer l’air que nous respirons. C’est un enjeu de santé publique.

 

Comment analyser cet assouplissement ?

Le déploiement des ZFE est un cas d’école dont nous devons nous inspirer pour réussir la transition énergétique.

Une mesure ambitieuse contre la pollution ou pour le climat n’est applicable (et in fine appliquée) que si elle reste socialement acceptable. Or, pour qu’elle le soit, elle doit nécessairement être assortie de dispositifs d’accompagnement pour aider les Français à trouver des alternatives.

C’est précisément ce que suggère le rapport du comité de suivi. Il réclame notamment d’augmenter massivement les aides pour changer de véhicule, de développer les transports en commun (bus, RER…), d’inciter au covoiture ou encore de doubler les aides pour l’achat d’un vélo.

Déployons massivement les mobilités douces et durables pour rendre ces alternatives accessibles pour à les Français.

 

L'équipe Business Intelligence Consulting