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A la découverte du vélo en entreprise. Entretien avec Jean-François Dhinaux


Jean-François Dhinaux est le fondateur de l’entreprise AZFALTE, spécialiste du vélo en entreprise et partenaire de ALD Automotive LeasePlan. Dans le cadre de notre série consacrée au vélo, Jean-François nous partage sa vision du vélo dans l’univers professionnel.

Chères entreprises, dans cette interview, vous allez découvrir ce que Jean-François Dhinaux appelle votre « super pouvoir » !
 

Quels sont les enjeux autour de développement de la pratique du vélo ?

60 % des trajets effectués en ville en voiture font moins de 5 kilomètres. Ce n’est pas durable dans tous les sens du terme. Lorsque cela est possible, nous nous devons de redonner leurs places aux mobilités actives.

Le vélo a perdu depuis des décennies sa part modale. On a un formidable enjeu de redéveloppement. C’est un sujet sociétal global.

Il y a l’enjeu du désengorgement des villes. Nos territoires sont engorgés par la mobilité carbonée. Le temps passé dans les embouteillages n’est pas du temps de plaisir, en particulier lorsqu’il s’agit des déplacements domicile-travail.

Il y a l’enjeu de santé publique et de bien-être. De nombreuses études récentes montrent qu’on ne bouge plus. Les mobilités inactives, souvent synonymes de mobilité carbonée (voiture, bus…), sont dangereuses pour la santé.

Enfin, il y a les enjeux écologiques qui font que nous avons un besoin vital de décarboner la mobilité, et donc de replacer la marche et le vélo au cœur de nos reflexes de mobilité.
 

Quel est le potentiel du vélo comme moyen de transport alternatif ?

On a une chance énorme, c'est que nous redémarrons de quasi zéro. Aujourd’hui, la part modale du vélo, est de 3%. L’objectif 2030 du plan vélo Français est de retrouver un taux de 12%

Nous devons donc faire X4 d’ici 2030, pas si inaccessible que ça si on le compare à l’Allemagne qui est déjà à 12%, alors qu’il s’agit du pays de la voiture...

Cette progression nous allons l’atteindre en partie grâce et par les employeurs !
J'ai l'habitude de dire qu’ils ont ce super pouvoir de nous faire changer ces habitudes de mobilité.

 

Pourquoi les employeurs disposent-ils de ce super pouvoir ?

La mobilité dans les territoires est structurée par la mobilité domicile-travail.

D’ailleurs les embouteillages surviennent au moment des transits entre le domicile et le travail. Les habitudes de mobilité, c’est à dire le moyen de transport que l'on va utiliser en priorité pour sortir de chez soi, est dans l'extrême majorité des cas dicté par le moyen que j’utilise pour aller au travail, c’est ce dernier qui dicte mes habitudes.

Donc, si je change mes habitudes de trajet domicile-travail, je vais changer aussi mes habitudes pour mes autres trajets réguliers, si je ne prends plus ma voiture, mais plutôt le vélo pour aller au travail, je vais prendre aussi plutôt le vélo pour déposer mes enfants à l'école, aller acheter ma baguette de pain etc.

L'opportunité énorme, c'est qu'en passant par l'employeur, on vient changer une habitude très récurrente. Et c'est un vrai levier de transformation profonde. Cela se voit dans tous les sujets de gestion du changement : si j'arrive à toucher quelque chose qui est quotidien, j'ai gagné.

Attention l'enjeu n'est pas de supprimer la voiture de l’équation, mais juste de dire que là où ça fait sens, pour mon plaisir, ma santé ou la planète, je dois privilégier la mobilité la plus adaptée (à pied, à vélo, en voiture, en train…).

 

Quel est l’intérêt de l’entreprise qui déploie des vélos ?

Avec les mobilités actives les collaborateurs sont en meilleure santé, ils vont être moins malades, plus productifs. Ce ne sont pas que des discours, il y a beaucoup d’études qui nous le démontrent depuis des dizaines d'années.

De plus ce type de dispositifs vient « nourrir » la marque employeur. Un récent sondage réalisé auprès de tous les utilisateurs de vélos AZFALTE le prouve : la première motivation pour passer au vélo est le bien-être, la santé et le plaisir, bien avant les questions de développement durable. L’autre enseignement de ce sondage c’est qu’à plus de 85% les répondants nous disent qu’ils sont plus fiers et plus engagés vis-à-vis de leur employeur qui leur a permis de passer au vélo.

Donc c'est vraiment un cercle super vertueux.

Sur le plan environnemental, l’empreinte carbone de la mobilité du quotidien peut être énorme. C’est le cas par exemple pour le secteur des services où les trajets domicile-travail des collaborateurs peuvent représenter jusqu’à 30% de l’empreinte carbone de l’entreprise.

 

Comment les entreprises peuvent-elles exercer concrètement ce super pouvoir ?

Ce super pouvoir commence bien en amont d’une éventuelle mise à disposition de vélos.  

Par exemple : quelle est ma capacité de parking ? Est-ce plus facile de ranger mon vélo que de garer ma voiture ? Est-ce que je suis plus près de l'entrée en stationnant mon vélo que ma voiture ?

Bref, c'est le sujet de l’instauration d’un cadre favorable à la pratique du vélo dans l’entreprise.

C’est aussi un sujet de formation et de sécurisation. Le cadre légal est clair :  l’employeur est responsable de la sécurité de ses employés, y compris sur le trajet domicile-travail.

Que le collaborateur vienne en métro, à pied, en voiture avec son propre vélo ou avec celui mis à disposition par l’entreprise c’est la même responsabilité.

La responsabilité en tant qu’employeur, c’est d’identifier les risques encourus par les collaborateurs sur leurs trajets et de les prévenir, donc de les former, et d’éventuellement les équiper par exemple avec des casques ou des gilets, des vélos aux normes, entretenus, assurés ...
 

Une fois ces conditions réunies, comment mettre en selle les collaborateurs ?

On a identifié quatre grands usages en entreprise, le vélo attribué, le vélo partagé, le vélo professionnel et le vélo de courtoisie :

Ces quatre grands usages adressent tous les trajets générés par l'entreprise, les trajets domicile-travail, les trajets professionnels et les trajets du client.

  • Le vélo attribué :

Si on veut impacter du trajet domicile-travail, il faut des vélos attribués. Il n’y a pas le choix. Ce n’est pas le vélo partagé qui va changer la mobilité domicile-travail.

Le vélo attribué peut également être appelé vélo de fonction, vélo collaborateur, ou vélo d'entreprise.

Ce vélo est mis à disposition d’un collaborateur gratuitement ou avec une contribution de ce dernier, au choix de l’entreprise.  La mise à disposition payante a d’ailleurs des vertus afin d’engager et responsabiliser le collaborateur dans ce dispositif.

L'idée, c'est que généralement on va appeler vélo de fonction, le vélo qui va être utilisé pour les collaborateurs éligibles à une voiture de fonction (en complément ou substitution de la voiture et éventuellement combiné avec l’offre switch d’ALD), et vélo collaborateur, le vélo attribué aux collaborateurs non éligibles à la voiture de fonction qui auront le vélo (souvent électrique) en alternative à la voiture personnelle ou les transports en commun.

Cela permet de transformer une Car Policy en Mobility Policy. Par exemple, au lieu d’avoir mon 3008, est-ce que je veux une Zoé, un switch et un vélo ? Ou est-ce que je ne veux pas de Zoé mais un Crédit Mobilité et un switch et un vélo ?

On va ainsi pouvoir composer des packages de mobilité moins carbonée et plus adaptée aux nouveaux usages.
 

  • Le vélo partagé :

Le vélo partagé existe en France depuis des décennies, et c’est un service pour dépanner en journée, aller chez un client, aller acheter le sandwich le midi ou se déplacer sur un site industriel… mais ce n’est pas le véhicule que je vais utiliser tous les jours pour faire mes trajets domicile-travail.

Pourquoi ? Parce que ce n’est pas mon vélo, parce qu’il n’est pas réglé à ma taille, parce qu'il n’a pas la sacoche avec les effets dont j’ai besoin, parce que ce n’est pas moi qui l’entretiens donc je ne sais pas si les freins fonctionnent, parce qu’il n’a pas le porte bébé pour déposer l’enfant à la crèche…

Souvent, vélos partagés et vélos attribués co-existent dans l’entreprise.

On peut par exemple avoir des collaborateurs qui ne peuvent pas venir au travail à vélo car trop loin, pas pratique…mais qui, pour leurs déplacements en journée, en ont besoin et là, le vélo partagé est intéressant.
 

  • Le vélo professionnel :

Quant au vélo professionnel, il va vraiment être utilisé par les personnes qui se déplacent toute la journée en ville, par exemple des agents immobiliers, ou les métiers des aides à la personne.

Ici on peut avoir affaire à un « VAE classique » mais utilisé plus intensivement et donc qui aura besoin d'une suite servicielle de maintenance ou d'assurance. En résumé, nous parlons ici d’un vrai outil de travail. Mais on peut aussi passer à des vélos très techniques avec des équipements spécifiques. Par exemple avoir un coffre sécurisé, nous équipons par exemple avec ALD des laboratoires d’analyses qui utilisent des vélos avec des coffres sécurisés pour déplacer des échantillons d’analyse jusqu’à un vélo sur mesure pour des interventions techniques chez des clients.
 

  • Le vélo de courtoisie :

Enfin, le vélo de courtoisie, c’est celui qu’on prête aux clients, par exemple pour un hôtel ou un centre auto pour permettre la continuité de mobilité des clients.
 

Quelle est la valeur ajoutée d’AZFALTE dans cette « mise à la route » de vélos ?

On créé de la valeur car le vélo est un produit plus complexe qu’il n’y paraît. Quand on livre un vélo, on livre au moins 5 produits différents : on livre un vélo avec son coloris, sa taille, on livre un casque à la bonne taille, on livre un gilet à la bonne taille, on livre deux cadenas adaptés au vélo, on livre parfois en plus un support de smartphone, une sacoche, etc.

Donc, il y a tout un package assez complexe pour pouvoir bien d'utiliser son vélo.

Et livrer un vélo, c'est souvent signer en une fois 7 contrats, entre l'achat, la garantie, l’assurance, l’assistance, l'entretien, etc… Et donc, si on n’amène pas beaucoup de technologies, beaucoup de capacités opérationnelles à tout ça, les entreprises se disent finalement que c'est trop complexe et n’y vont pas.

Notre métier, c'est du service. Une fois le vélo déployé, il faut assurer ce service pendant trois ans ou plus.

On répond à ce besoin avec 2 grands piliers, la tech et les opérations :

  • une plateforme technologique pour l'employeur, pour les collaborateurs, pour déployer les flottes que quelque clics.
  • des équipes opérationnelles avec les ateliers AZFALTE pour livrer le bon vélo, bien monté, bien équipé, à la bonne personne, partout en France, et d’en assurer sa maintenance dans le temps !
     

Quelle est l’histoire d’AZFALTE ?

AZFALTE est un projet démarré dans ma tête, il y a un peu plus de 5 ans, et l'entreprise existe depuis bientôt 4 ans.

A la sortie du Covid, je me suis convaincu que c’était le moment ou jamais de lancer ce service en France. Nous étions au début de l’explosion du vélo.

Aujourd'hui, il doit y avoir 2 à 3 millions de vélo en entreprise en Allemagne. On parle bientôt de quelques dizaines de milliers en France alors que ce marché n'existait pas il y 4 ans.

Au-delà de créer une entreprise, je suis surtout très fier de me lever le matin en me disant que mon job c’est de faire que plus de personnes utilisent le vélo au quotidien.

Bref allier un projet à impact avec une réalité économique c’est passionnant !