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BASTILLE : le vélo qui se plie… sans compromis !

Suite et fin de notre série consacrée au vélo avec le regard d’un fabricant de vélos. Mais pas de n’importe quel vélo…

Nous avons la chance de recevoir Gilles Henry l’inventeur et le fondateur de BASTILLE, un vélo aussi révolutionnaire que son nom l’indique.  Un « vrai » vélo urbain, haut de gamme, doté de grandes roues et qui se plie en 6 secondes pour un encombrement minimal.

Un entretien passionnant auprès d’un entrepreneur passionné.

 

Gilles Henry, vous êtes le créateur de la célèbre poussette YOYO, comment êtes-vous venu au vélo ?  

La poussette YOYO est sortie en 2012 et a connu un grand succès. En 2015, elle était déjà partie à la conquête du monde et je cherchais le projet d’après.

J’avais déjà identifié qu’il y avait des choses à faire dans le vélo. J’avais noté des réflexions dans un carnet autour d’un vélo pliant. Je voyais les vélos pliants existants et leurs petites roues et je trouvais ça dommage car ces vélos n’ont pas toutes les caractéristiques d’un bon vélo.  

Je voulais capitaliser sur l’expérience de la YOYO. Le pliage innovant a le pouvoir de créer de nouveaux usages, de la fluidité, de la facilité et même un peu de magie... Ce sont des retours utilisateurs que j’entends encore pour la poussette YOYO pour laquelle des gens me disent : « ça m’a changé la vie ».

Et puis je voulais aussi un projet à impact. Avec le vélo, on a un vrai enjeu de la ville décarbonée et d’adoption de solutions durables. Pour y arriver, il faut attirer les gens vers le vélo et lever les freins C’est là où le pliage a un rôle à jouer.

 

Quel sont les freins que vous avez identifié à l’essor de la pratique du vélo ?

Les freins principaux en ville, c’est le vol et le rangement du vélo. C’est ce qui ressort de toutes les études.

Le vélo s’est beaucoup développé ces 10 dernières années avec le vélo à assistance électrique. Mais le vélo électrique ne résout pas le problème du vol. Au contraire, il l’empire car les vélos sont plus chers, ils attirent plus les voleurs et les utilisateurs ont encore moins envie de le laisser dehors.

On a essayé de résoudre ce problème par des solutions technologiques (puces, tracking…) mais ce n’est pas la vraie solution au problème.

Il y a donc un vrai avenir pour le vélo pliant. Or aujourd’hui, l’offre de vélos pliants ne correspond pas aux envies des gens car ces vélos n’ont pas les caractéristiques d’un vélo moderne.

Il y avait donc un chaînon manquant et c’est ce que j’essaie de faire avec BASTILLE.

 

Quelle était l’idée de départ ?

Je suis parti avec une idée simple.

D’abord je l’ai dit, je suis parti d’un vélo à grandes roues et je me suis demandé comment faire pour le plier avec le plus petit volume possible.

Le plus petit volume possible, c’est une roue sur une roue, donc je suis parti de ça sur une feuille. J’y ai appliqué des réflexes pris avec la YOYO car je savais déjà ce qui marchait et ce qui ne marchait pas dans un pliage.

L’idée a donc germé, jusqu’à ce que j’aie un concept. Et puis le vrai travail a commencé avec le développement et l’industrialisation d’un produit comme ça qui demande beaucoup de temps.

 

Quelle place occupe la dimension écologique dans votre projet ?

C’est plus qu’une motivation, je le ressens comme un devoir.

J’ai eu beaucoup de succès avec la YOYO. J’ai très bien gagné ma vie avec cette poussette et je me suis dit que je devais réinvestir cet argent dans un projet à impact.

Tout l’écosystème (média, investisseurs…) a tendance à se tourner vers des solutions très technologiques et moi je suis un adepte du low tech et des solutions simples.

La poussette YOYO était une innovation 100% low tech. Je le dis toujours, c’est une innovation qui aurait pu exister au XVIIIème siècle en bois : il n’y avait pas besoin de matériaux particuliers.

Le vélo, c’est 150 ans de révolutions successives avec des gens qui ont apporté leur créativité pour arriver au vélo moderne. On veut revenir à ce qui fait la magie du vélo en y ajoutant un pliage innovant, performant, simple, agréable et spectaculaire. C’est ce qui me tient à cœur.

 

Qui sont les gens que vous voulez attirer vers le vélo ?

En levant les freins à l’usage du vélo, on pense pouvoir attirer des gens qui ne pratiquent pas encore le vélo.

On est persuadés que notre cible, ce ne sont pas forcément les gens qui font déjà du vélo aujourd’hui, mais aussi ceux qui sont sur des vélib’, des trottinettes, des gens qui sont dans les transports en commun.

Ce sont ces gens là qu’on veut attirer avec une solution complète, performante, agréable et très innovante.

Chez BASTILLE, on est obsédés par les usages. On essaie d’ouvrir des possibilités. Ce pliage va permettre de fluidifier un certain nombre de points de passage et de créer des solutions nouvelles dans les déplacements quotidiens.

Le « use case » classique, c’est le vélo plié quelque part dans mon entrée. Je le prends, je descends dans l’ascenseur avec, je le déplie en quelques secondes, je monte dessus, j’arrive à mon bureau, je le replie, je reprends l’ascenseur et je le mets dans un coin de mon bureau.

Si j’ai un rendez-vous à midi, je vais au restaurant avec, si je vais faire une course, je rentre avec dans le magasin. Le vélo ne prend pas plus de place qu’une valise à roulette.

S’il pleut à la sortie de mon dîner, je le plie et le mets dans le coffre du taxi.

C’est un outil de transport du quotidien qui créé de nouveaux usages.
 

Quels rôles peuvent jouer les entreprises dans cet essor de la pratique ?

L’enjeu pour le vélo, ce sont les déplacements du quotidien, donc forcément le déplacement domicile-travail.  Il y a un gros potentiel de développement à travers la notion de vélo d’entreprise ou de vélo collaborateur.

Dans des pays comme l’Allemagne, c’est quelque chose de très développé. En France, il y a un potentiel qui est considérable.

On regarde donc aussi de ce côté-là, car on a un vélo qui répond au besoin de l’utilisateur, mais aussi à celui de l’entreprise, notamment pour résoudre les problèmes de stockage de vélos qui vont se poser inévitablement dans les entreprises.

Le vélo Bastille peut se stocker très facilement dans une entrée d’entreprise ou dans un bureau.

 

Comment est né le nom BASTILLE ? C’est un nom fort qui n’est pas « neutre ».

Effectivement, c’est un nom qui n’est pas neutre. En voulant créer BASTILLE, je voulais créer une marque forte avec un contenu, une charge. Je ne voulais surtout pas de néologisme anglais, comme « fold bike easy ».

Avec YOYO, le nom était très fort. Dans l’imaginaire des gens, un YOYO représentait quelque chose de concret. Il y un côté ludique, enfantin, sympa.

Je ne voulais pas un nom fade, mais un nom fort et mémorisable. Cela n’a pas été simple car beaucoup de noms ont été déposés dans le vélo. Tout ce qui a du sens est déposé.

A un moment, je me suis dit que je faisais un vélo urbain, français, donc parisien, et j’ai pris le plan du métro pour chercher l’inspiration. En tombant sur BASTILLE, je me suis dis qu’on tenait quelque chose. Evidemment, il y a le côté révolution, militant qu’il est inutile de raconter et qui est déjà contenu dans le nom. C’est aussi un nom qui marche très bien à l’international.

Et lorsqu’on dit aux gens qu’on va faire « un BASTILLE », immédiatement ce nom est mémorisé.

 

C’est un vélo sans compromis et haut de gamme. Quelles sont ses principales caractéristiques ?

C’est un point fort de notre stratégie : aucun compromis sur le vélo !  Il fallait que ce soit un vélo urbain avec ce qu’il existe de mieux pour un vélo urbain.

Il est tout équipé : on a notamment une courroie de transmission, un moyeu à vitesses intégrées. Il est évidemment doté de garde-boues, d’un éclairage intégré, de freins à disque hydrauliques et de grandes roues de 27.5 pouces. Il y a vraiment tout ce qu’il faut pour le confort et la sécurité avec des matériaux de qualité.

C’est un produit haut de gamme avec les meilleurs équipements et composants qui ont été choisis.

Il y a 3 brevets sur ce vélo très innovant. Il y a évidemment le cadre pour le pliage du vélo lui-même, qui est au cœur de l’innovation. Mais pour arriver à ce résultat de ce vélo très compact une fois plié, on a aussi développé une tige de selle brevetée, qui se plie et se déplie d’une main et une potence.

Le prix de base du vélo BASTILLE est de 2590 euros. Il sort en 4 versions disponibles avec le choix entre deux transmissions (3 ou 7 vitesses) et avec deux positions de guidon différentes (une position avec un guidon droit plus dynamique et une position plus relevée, plus « hollandaise).

N’oublions pas de mentionner qu’il y a des aides de l’Etat ou des régions qui peuvent se cumuler. Par exemple, en Ile de France, il y a une aide de 400 euros spécifiquement pour les vélos pliants.

 

Combien de temps faut-il pour le plier et le déplier ?

On a une vidéo de démonstration qui a dépassé les 11 millions de vues sur Instagram dans laquelle on obtient un pliage complet, sans forcer, en 6 secondes.

On doit pouvoir faire mieux. Pourquoi pas laisser aux utilisateurs la tentative de record et voir jusqu’à quelle vitesse on peut aller…

La sensation d’arriver chez soi ou devant son bureau et de passer la porte quelques secondes après, c’est assez étonnant. De la même manière, sortir de chez soi, le déplier et apercevoir les gens qui se retournent dans la rue… Il y a un côté abracadabra vraiment spectaculaire.

 

Comment avez-vous procédé pour faire un vélo aussi abouti sans être issu du monde du vélo ?

J’étais un utilisateur régulier du vélo, mais je n’y connaissais pas grand-chose. Ma spécialité, c’était le pliage.  Le vélo, c’est beaucoup plus technique qu’une poussette et je me suis assez vite rendu compte qu’il me manquait toute une culture technique autour du vélo.

La première rencontre qui a été déterminante pour moi, c’est Julien Leyreloup, créateur des Cycles Victoire. Il fabrique à Clermont Ferrand des vélos d’exception. C’est de l’artisanat d’art, ce sont des merveilles, de la haute couture. Je l’ai rencontré et j’ai été fasciné par sa science du vélo.

On s’est tout de suite bien entendu. Il a été séduit par mon projet et son impact. Il a cru au pliage et m’a proposé de dessiner le vélo parfait pour la ville, bien proportionné, bien équilibré. Il a dessiné ce vélo « parfait » et j’y ai appliqué mes principes de pliage.

Aujourd’hui, on a un vélo sans compromis qui répond aux exigences des gens qui connaissent vraiment le vélo.

Je me suis ensuite entouré d’autres personnes spécialistes, comme le bureau d’étude français Antidote Solutions, qui est LE bureau d’étude spécialiste du vélo.

 

Les vélos BASTILLE sont-ils produits en France ?

Oui, c’était un sujet très important pour moi. Je voulais un projet Made In France.

Très tôt, on s’est orienté vers des choix de fabrication en France.

Une des grandes particularités de BASTILLE, c’est que le cadre est lui aussi fabriqué en France. Ce n’est pas le cas pour la quasi-totalité des autres marques pour lesquelles les cadres sont fabriqués essentiellement en Asie.

Notre cadre est fabriqué en France, à Angers, chez notre partenaire Expliseat qui vient du monde de l’aéronautique, c’est un fabricant de sièges d’avions. Il a monté récemment, en partie pour nous, une usine à Angers dans laquelle le cadre est fabriqué.

Le cadre part ensuite dans l’Aube, à Romilly-sur-Seine chez notre partenaire Cycleurope, qui est un assembleur de vélos. Il récupère le cadre et les autres composants et nous assemble le vélo complet.

 

Dans quels canaux de distribution allons-nous retrouver les vélos BASTILLE ?

C’est aussi un autre choix structurant que nous avons fait avec mon associé Quentin, recruté il y a 3 ans. Quentin a passé 10 ans dans le monde de l’audio chez DEVIALET. Il connaissait très bien la vente de produits physiques, techniques et haut de gamme dans des réseaux de distribution.

On a donc choisi de s’appuyer sur un réseau de revendeurs spécialisés. On ne voulait surtout pas créer une marque digitale. Un vélo, c’est un produit technique : il faut l’essayer, le tester. Il y a aussi des questions de réglages, de maintenance. C’est donc beaucoup plus puissant de vendre par l’intermédiaire d’un réseau de revendeurs pour apporter davantage de services aux gens.

Ce choix aurait pu paraître très audacieux il y a quelques années avec toutes les DNVB (ndlr : Digital Native Vertical Brand) du vélo qui se lançaient. On a vu depuis, avec la chute de marques comme VanMoof, que ce sont des modèles en réalité très fragiles, qui peuvent coûter bien plus cher que ce qu’on pourrait imaginer.

On a déjà une cinquantaine de revendeurs en France qui nous suivent. C’est un réseau qui va grandir mais qui restera sélectif, en centre-ville, proche de notre cible et des usages qu’on veut servir.

 

Quelle est votre vision du marché : d’un côté, une pratique qui explose, de l’autre des fabricants qui semblent souffrir ?

Le marché du vélo est dans une situation très contradictoire. On subit encore en vague les effets de la période COVID. Pendant cette période, on a eu un arrêt brutal des ventes, puis une demande extraordinaire en sortie de COVID car tout le monde voulait bouger et avoir un vélo.

Il y a eu un phénomène d’emballement dans l’écosystème et tout le monde s’est mis à commander et à sur-stocker. Le marché s’est ensuite ralenti depuis la sortie du COVID et tout le monde se retrouve aujourd’hui dans une situation de sur-stocks qui est très pénalisante pour le marché.

Le marché reste très actif, dynamique. Il y a un besoin de vélo qui ne va faire qu’augmenter. Tous les ans, le trafic à vélo augmente, la part modale du vélo augmente, les villes se transforment. On ne reviendra pas en arrière là-dessus. On est dans une dynamique positive.

 

Quelles sont les étapes à venir dans le développement de BASTILLE ?

Pour le moment, on finalise la phase de mise au point industrielle. C’est une phase qui demande énormément de travail et d’attention à tous les détails car on veut sortir un produit qui soit le plus fiable possible.

On a une équipe ici dédiée et tous nos partenaires qui travaillent beaucoup. On va pouvoir livrer des vélos de démonstration dans les magasins au printemps et on livrera nos premiers vélos, si tout se passe bien, d’ici cet été.

En 2025, on a encore plein de projets. On va probablement aller dans d’autres pays que la France. On va aussi créer d’autres produits, créer une gamme de vélos, d’accessoires qui vont venir nourrir la marque BASTILLE.

 

Pour en savoir plus : https://bastillecycles.com/